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Le quoi ? Pour savoir de quoi on parle, je me permets de reprendre la définition qui en est faite sur Wikipédia :

Le fediverse ou fédivers, (..), est une fédération de serveurs formant un réseau social. Il est construit autour de logiciels libres, permettant un auto-hébergement, ou bien l’utilisation d’un service prêt à l’emploi chez un tiers. Les différents services disponibles pour les nœuds de ces instances sont hétérogènes (microblog, blog, vidéo, image, articles de recherche, code logiciel) mais utilisent des protocoles d’échanges communs pour communiquer entre eux, « se fédérer », ou des ponts entre différents protocoles de façon transparente pour l’utilisateur, la volonté étant de fournir une alternative ouverte et résiliente aux réseaux sociaux captifs, propriétés d’une unique entité.

Fediverse — Wikipédia (wikipedia.org)

C’est sur la fin de cette définition que je veux ici m’attarder. Car mon propos n’est pas de faire une nième tutoriel, il en existe déjà beaucoup (par exemple, celui-ci : Mastodon c facile (le Fediverse aussi) – Coredump (fenarinarsa.com)).
Mon propos se focalisera donc surtout sur le choix entre l’usage des réseaux sociaux propriétaires (Twitter, Facebook, Instagram) et leurs équivalents dans le Fédiverse (respectivement : Mastodon, Friendlica et Pixelfed).

Pourquoi faire ce choix ? Parce que tout autant populaires qu’ils soient, les réseaux sociaux propriétaires ne sont pas exempts de défauts, notamment car leur aspect centralisé oblige leur propriétaire respectif à adopter un modèle économique visant, sinon à la rentabilité, au moins à limiter les pertes, et donc à générer des revenus pour couvrir les importants coûts associés.

Les réseaux sociaux centralisés

Car entendons-nous bien : le modèle centralisé implique que tous les coûts de fonctionnement sont à la charge d’une seule structure, le propriétaire ou la maison mère : la masse salariale, la conception, l’exploitation quotidienne, le coût des serveurs, des infrastructures, du stockage des données et d’utilisation de la bande passante sur le réseau, entre autres. Et cette rentabilité, qui plus est pour des réseaux accessibles gratuitement, doit se faire en trouvant des sources de revenu qui forcément se font, plus ou moins explicitement, sur le dos des utilisateurs finaux. Car s’il existe des formules payantes d’accès à ces réseaux, ces dernières restent facultatives et sont utilisées par une infime minorité d’utilisateurs.
La source de revenus la plus visible est bien entendu la publicité, omniprésente sur ces réseaux : bandeaux de pub, contenu sponsorisé, recommandations de contenu. Bref, tout ce qui se présente à la vue de l’utilisateur contre son gré. Et puis, je citerai également l’exploitation des nombreuses données personnelles collectées par ces plateformes.

Autre problème potentiel, et ceci concerne en particulier Twitter : la modération (enfin ce qu’il en reste). Si vous avez suivi un minimum ce sujet, vous voyez de quoi il est question. Là encore l’aspect économique y est pour quelque chose (moins de modération = moins de modérateurs = moins de salaires à verser), mais pas que, car dans le cas de ce réseau, son propriétaire actuel Elon Musk est un fervent défenseur de la liberté d’expression absolue, du moins tant qu’on ne le critique pas trop, lui… Et de ce fait, comme il se dit tout (des choses parfois très intéressantes) et n’importe quoi (discours haineux et/ou discriminatoires totalement gratuits), certaines personnes voudraient bien se tenir à l’écart de cette atmosphère particulière…

Bon, s’il y a autant de réserves à utiliser ces réseaux propriétaires, pourquoi y a-t-il autant de personnes qui s’en servent encore, me direz-vous ? Et bien le principal argument à mon sens, c’est la facilité d’accès (point d’entrée unique, le plus souvent l’application de l’éditeur ou le site officiel associé), et le fait qu’on y retrouve beaucoup, beaucoup de monde car quasiment tous les utilisateurs des réseaux sociaux se trouvent sur au moins l’un des réseaux cités précédemment. Et du coup, si le but recherché, à l’usage de ces réseaux, est de toucher le plus de monde possible, et bien il n’y a guère d’alternative. Et même aucune pour les annonceurs, car le modèle économique des réseaux du fediverse est bien différent, ce que nous allons voir maintenant.

Les réseaux sociaux du fediverse

Le modèle économique donc : il n’y en a pas ! Tout du moins, il n’y a pas de recherche de rentabilité, et les coûts, s’ils ne sont pas nuls, sont bien moindres que pour les réseaux centralisés. Car le système de fédération fait que chaque élément (nœud) de la fédération fonctionne indépendamment de celui d’à côté, est géré indépendamment, et les coûts de fonctionnement/maintenance supportés par le propriétaire du nœud ne s’appliquent qu’au nœud lui-même, pas aux autres. Dès lors, cette absence de recherche de revenu n’a que des bénéfices pour l’utilisateur : pas de publicité ni de contenu sponsorisé, et donc pas d’annonceurs, pas d’utilisation sous le manteau des données personnelles.

De plus, le réseau s’appuyant sur un protocole commun à tous les éléments qui le composent, et ce protocole étant ouvert, utilisable à volonté via des interfaces de programmation (API) gratuites, l’un des bénéfices est que n’importe quel développeur peut mettre au point une application ou un site web permettant d’accéder au réseau. Application qui pourra potentiellement se montrer bien plus stable, personnalisable et ergonomique que celle fournie par l’éditeur du réseau.

Mais alors si c’est si bien et vertueux que çà ce système, pourquoi si peu de gens l’utilise ? Et bien pour 2 raisons essentielles, de mon point de vue :

  • Pour l’utilisateur non informaticien, c’est compliqué : le point d’entrée n’étant pas unique, il peut être difficile de trouver celui qui conviendra à l’usage que l’on veut en faire. Je pense en particulier au choix de l’instance, mais aussi au choix d’une application, qui n’est pas toujours évident. Notamment pour Friendlica et Pixelfed qui à ce jour ne possèdent pas d’app dédiée officielle* . Le principal point d’entrée reste le site web associé au service… Certes, on peut accéder à un composant du réseau avec une application dédiée à un autre, mais allez expliquer çà aux non-informaticiens…
    Mastodon étant plus largement utilisé, ce dernier est moins concerné par ce problème d’utilisation, de nombreuses apps dédiées existant sur les principales plateformes, de très bonne qualité pour la plupart.
    * Concernant Pixelfed, une excellente application officielle, aussi complète qu’Instagram (sans le contenu sponsorisé) est en préparation pour Android et iOS, mais est en phase de bêta test à l’heure d’écrire ces lignes.
  • Il n’y a, à ce jour, que très peu de gens sur ces réseaux, à peine 1/100è de ce que l’on trouve sur les réseaux propriétaires… alors forcément, quand on veut toucher le plus de monde possible pour faire passer tout type de message dont publicitaire, partager ses trouvailles, réflexions et tranche de vie, publiquement ou avec ses proches, pour lesquels on aimerait aussi voir du contenu, on peut assez vite avoir l’impression de parler dans le vide… Et çà, c’est un peu le serpent qui se mord la queue : tant qu’il y aura peu de monde, le monde ne viendra pas…

Et je rajouterai une 3è raison plus technique, pour les grosses entreprises et institutions qui devraient, pour plus de lisibilité, disposer de leur propre instance : il faut installer et maintenir cette dernière, y compris couvrir les frais de fonctionnement, en n’oubliant pas les besoins de modération, laquelle se fait sous la responsabilité (et aux frais, en cas de prestation rémunérée) du propriétaire de l’instance.

Pour conclure, je citerai quelques lignes trouvées sur internet en préparant ce billet, auxquelles j’adhère complètement :

Je sais que nous rêvons tous d’avoir tous nos amis et notre famille sur le Fediverse afin de se passer complètement les réseaux propriétaires. Mais le Fediverse ne cherche pas à dominer le marché ou à faire des bénéfices. Le Fediverse ne cherche pas la croissance. Il offre un espace de liberté. Les personnes qui rejoignent le Fediverse sont celles qui recherchent la liberté. Si les gens ne sont pas prêts ou ne recherchent pas la liberté, ce n’est pas grave. Ils ont le droit de rester sur des plateformes propriétaires. Nous ne devons pas les forcer à rejoindre le Fediverse. Nous ne devons pas essayer d’inclure le plus grand nombre de personnes possible à tout prix. Nous devons être honnêtes et nous assurer que les gens rejoignent le Fediverse parce qu’ils partagent certaines des valeurs qui le sous-tendent.

En concourant avec Meta à l’idéologie de la croissance à tout prix, nous sommes certains de perdre. Ils sont les maîtres de ce jeu. Ils essaient d’amener tout le monde dans leur domaine, de faire en sorte que les gens rivalisent avec eux en utilisant les armes qu’ils vendent.

Le Fediverse ne peut gagner qu’en gardant ses positions, en parlant de liberté, de morale, d’éthique, de valeurs. En lançant des discussions ouvertes, non commerciales et non orientées. En reconnaissant que le but n’est pas de gagner. Pas d’adhérer. Le but est de rester un outil. Un outil destiné à offrir un espace de liberté aux êtres humains connectés. Quelque chose qu’aucune entité commerciale ne pourra jamais offrir.

Comment tuer un réseau décentralisé (tel que le Fediverse) – Un blog furtif (grenoble.ninja)

Et vous, de quel côté vous rangez-vous, et pour quelle(s) raison(s) ?

Un commentaire sur “Le fediverse, alternative crédible aux réseaux sociaux propriétaires ?”

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